Rencontre avec Isabelle Bertola, directrice du théâtre Le Mouffetard spécialisé dans l'art de la marionnette
Rencontre avec Isabelle Bertola, directrice du théâtre Le Mouffetard spécialisé dans l'art de la marionnette
Bonjour Isabelle Bertola. Vous êtes la directrice du centre national de la marionnette, qui se situe rue Mouffetard à Paris. Que peut-on y retrouver ?
I.B : C’est un théâtre dédié aux arts de la Marionnette depuis 10 ans. Il propose une programmation de spectacles qui mettent en scène de la marionnette contemporaine, principalement pour adultes. Cette discipline artistique, au sens large du terme, regroupe un grand nombre de formes : marionnettes anthropomorphes manipulées de diverses façons, théâtre d’images ou d’objets, théâtre de matières, théâtre d’ombres ou de papier etc… En parallèle de la programmation de spectacles, des activités variées sont proposées : ateliers, stages, rencontres thématiques, café signes etc. On trouve également dans le lieu, un centre de documentation spécialisé dans le théâtre en général et plus particulièrement dans le théâtre de marionnettes ainsi qu’une librairie thématique. Notre projet a été récemment labellisé par l’État (ministère de la Culture) et nous sommes devenus un Centre National de la Marionnette. Il y en a 6 en France pour l’instant. Notre projet est financé par l’État donc et la Ville de Paris qui met également le théâtre à disposition de ce projet. D’autres collectivités territoriales soutiennent l’association, le département de la Seine Saint Denis et la région Île-de-France.
Vous dirigez l’association du Théâtre de la marionnette à Paris depuis 2003. Qu’est- ce qui vous a donné l’envie de vous impliquer à cœur dans cette association ?
I.B : J’ai participé à la création de cette structure dés 1992 et ai eu à cœur de la faire grandir auprès de l’équipe fondatrice. Petit à petit, les financements se sont étoffés et la reconnaissance est venue. Durant 20 ans, notre association n’avait pas de point d’ancrage, la programmation était présentée dans des théâtres partenaires qui sont devenus au fil des ans de plus en plus nombreux. Voir grandir un projet est fascinant, nous ne sommes partis de rien, uniquement de la volonté de la directrice de l’époque Lucile Bodson. Alors prendre la direction du projet au bout de 10 ans était un défi et batailler pour obtenir une implantation au bout de 20 ans un second défi et j’aime les défis.
Parlez-nous de votre parcours artistique.
I.B : J’ai commencé ma carrière dans le secteur de la littérature de jeunesse à une époque où les ouvrages qualitatifs et singuliers étaient encore rares et mal distribués auprès du grand public. Les rayons jeunesse dans les librairies étaient maigres. Il fallait repérer les pépites et imaginer des actions de médiation, créer des expositions pour faire valoir cette littérature-là. Au bout de quelques années, j’ai complété mes activités professionnelles avec la même démarche de repérage et avec la même volonté de promouvoir des œuvres qualitatives et uniques dans le secteur du spectacle pour la jeunesse. Puis en 1992, Lucile Bodson m’a sollicitée pour que j’intègre l’équipe naissante du Théâtre de la Marionnette à Paris.
Comment se porte le secteur de la marionnette ?
I.B : C’est un secteur en pleine évolution, il prend ses quartiers sur les plus grandes scènes actuellement. Le nombre de compagnies est conséquent et le nombre d’équipes artistiques qui s’engagent dans la création de grandes formes est en essor. De nombreux directeurs de théâtre non spécialisés n’hésitent pas à dire que c’est dans le théâtre de marionnette que l’innovation est la plus grande aujourd’hui. Tout au long de notre parcours, nous avons accompagné les débuts de nombreux artistes qui aujourd’hui constituent un panel de créateurs très en vue qui renouvellent le genre : Renaud Herbin de la compagnie L’étendue, Bérangère Vantusso - de la compagnie trois-six-trente, Yngvild Aspéli, Plexus polaire, Alice Laloy -de la compagnie S’appelle reviens, Elise Vigneron du Théâtre de l’entrouvert… Je ne peux pas les citer tous.
Parlez-nous de la Biennale internationale des arts de la marionnette (BIAM), qui aura lieu du 10 mai 4 juin 2023.
I.B : Notre activité se déploie toute l’année avec l’accueil de spectacles dans le cadre de séries et par l’organisation de deux festivals biennaux : l’un les années paires, l’autre les années impaires. Les années paires, nous organisons les Scènes ouvertes à l’insolite, festival qui invite de jeunes artistes à présenter leurs premiers pas, leurs premières mises en scène. Le second qui aura lieu en 2023 est donc la Biennale internationale des arts de la marionnette, la BIAM. C’est un festival international qui accueille des spectacles d’artistes reconnus sur la scène internationale. Je me déplace beaucoup et mène un travail de repérage assez pointu. De nombreux spectacles y trouvent leur place souvent pour la première fois en France. Lors de la prochaine édition, nous pourrons découvrir des spectacles néerlandais, québécois, catalans, suisses et italiens au côté d’un grand nombre de créations ou reprises françaises. 32 compagnies seront reçues pour présenter 38 spectacles.
Selon vous, qu’est-ce qui fait un bon marionnettiste ?
I.B : Qu’entendez-vous par marionnettiste ? Le travail de l’interprète au plateau ? Le métier de marionnettiste résulte d’un long apprentissage et il est très technique, il est donc nécessaire de se former soit à une technique particulière pour bien la maîtriser, soit à plusieurs mais alors l’apprentissage saura d’autant plus long. A cela s’ajoute un travail de comédien puisqu’aujourd’hui le marionnettiste se produit à vue. Si l’on parle de la conception d’un spectacle et de sa mise en scène, c’est autre chose. D’autres acquis et compétences sont nécessaires mais il est certain que ce qui produit un bon spectacle de marionnette provient du sens, de la place de l’objet et de la figure manipulée et de leur raison d’être.
Comment produit-on un spectacle de marionnettes ?
I.B : On produit un spectacle de marionnettes comme n’importe quel autre spectacle avec des soutiens et de l’accompagnement. Il faut des moyens financiers pour payer les artistes et les matériaux utilisés et des espaces de résidence pour travailler : dans un premier temps, dans un atelier pour la construction et ensuite sur un plateau pour écrire le spectacle. Mais il est certain que créer un spectacle de marionnettes nécessite plus de temps car il y a le temps de la construction, puis en fonction des aménagements demandés par la mise en scène un retour à l’atelier régulier pour transformer les marionnettes.
Comment des artistes peuvent-ils se former aux arts de la marionnette ?
I.B : En France, il y a une école nationale (l’ESNAM) qui se trouve à Charleville Mézières, la formation est très complète et dure 3 ans. Les étudiants ont la chance de rencontrer de nombreux « maîtres » internationaux et spécialisés dans certaines techniques. A Paris, il y a une école privée et spécialisée, c’est le Théâtre aux mains nues qui proposent une formation longue et intense et des formations plus courtes sur plusieurs week-ends. Ailleurs, des marionnettistes interviennent régulièrement dans des écoles de théâtre. Certains marionnettistes se sont formés de manière moins structurée ou autodidacte en participant par exemple régulièrement à des stages encadrés par des artistes différents, avant de trouver la forme qui leur convient le mieux. Tout dépend du bagage préalable soit une formation de comédien/comédienne ou de plasticien/plasticienne.
Le CNMa organise également des évènements, comme des ateliers pour enfants et des rencontres. En quoi consistent-ils ?
I.B : Pour un théâtre, proposer des activités en parallèle de la programmation est un plus afin de rendre le lieu vivant. L’offre variée permet de motiver des personnes différentes à venir découvrir le lieu, puis pourquoi pas les spectacles ; ce sont des entrées pour questionner le travail du marionnettiste et permettre aux participants de se l’approprier.
Retrouvez toutes nos annonces de castings ici.
Vous souhaitez bénéficier d'un suivi pour votre carrière artistique et être prêt à démarcher un agent ? On vous reçoit en coaching dans notre agence ! Plus d'informations et inscriptions ici.