"Il faut être honnête avec ses choix de carrière car la vie est bien faite" ! Christine Murillo vient de recevoir un Molière, Casting.fr l'a rencontré pour vous.

"Il faut être honnête avec ses choix de carrière car la vie est bien faite" ! Christine Murillo vient de recevoir un Molière, Casting.fr l'a rencontré pour vous.

"Il faut être honnête avec ses choix de carrière car la vie est bien faite" ! Christine Murillo vient de recevoir un Molière, Casting.fr l'a rencontré pour vous.

Bonjour Christine ! Sociétaire de la Comédie Française, vous avez été une membre engagée jusqu’en 1988. Racontez-nous !

C.M: Engagée, c'est beaucoup dire! Je n'ai jamais été "au Comité" (l'Instance dirigeante, nommée par l'Assemblée des Sociétaires). J'ai profité de mon immense chance d'avoir été engagée un an après le Conservatoire, d'avoir été choisie pour des pièces mémorables qui m'habitent encore ("Les Femmes Savantes" par Roussillon,"Dom Juan" par Boutté, "Les Corbeaux" par Jean-Pierre Vincent, "Les Estivants" par Lassalle, "Ivanov" par Régy, et tant d'autres) , j'étais heureuse la plupart du temps, j'ai râlé quand ça n'allait pas, et puis c'est tout. La Comédie-Française est une chance inouïe qu'on se doit de mériter.
Quand j'ai commencé à refuser les rôles de "soubrettes" que je n'ai jamais recherché (ce qui est plutôt comique compte tenu que je viens de jouer Dorine avec un Molière en prime!), il était temps de ne plus y être. Et j'arrivais justement à ma dixième année, qui est une date reconductrice ou non pour les Sociétaires. Et on n'a pas reconduit! Partie en 1988, j'ai retrouvé Alain Françon, trouvé Maurice Bénichou, Konchalovski grâce à qui j'ai obtenu mon premier Molière. Comme une approbation à mon départ. La vie est bien faite.

Selon vous, la formation est-elle obligatoire dans l’univers artistique ou bien l’autodidactisme est un syndrome que l’on peut facilement attraper une fois sur les planches ?

C.M: Je ne peux parler que de moi: le cours Périmony et le Conservatoire National d'Art dramatique, mes deux écoles "formatrices", m'ont non seulement appris le métier, mais surtout guidée dans ce que je ne savais pas encore être mes choix, et donnée des amis pour la vie. Je joue justement en ce moment "Les Pâtissières" au Théâtre Trévise (à moins de 200 mètres du Conservatoire!!!!) avec Chantal Deruaz et Christine Guerdon, avec qui j'étais au Conservatoire, et travailler ensemble est une évidence. Ce qui me ferait dire : oui, c'est indispensable de travailler. En groupe, en cours. Et longtemps.

Mais les exceptions confirment aussi si souvent la règle!

Vos rôles vous ont valu plusieurs récompenses, dont le Molière de la Comédienne en 2005 pour « Dis à ma fille que je pars en voyage » de D. Chalem » et une nouvelle fois en 2009 pour « Vers toi » de J-C Grumberg. La semaine dernière encore vous avez reçu de nouveau un Molière, celui de la Comédienne dans un second rôle pour votre personnage dans Le Tartuffe.
Qu’avez-vous ressenti lors de ces cérémonies et la remise de ces prix ?


C.M: Pour être exacte, pour "Vers Toi…", j'ai seulement été nommée. Mais à ce jour j'ai bien reçu trois Molières: le premier, en 1989, pour "La Mouette" de Tchekhov, mise en scène par Andreï Konchalovski, le deuxième effectivement pour "Dis à ma fille…" en 2005, et le dernier, pour "Tartuffe" il y a deux semaines!
A chaque fois, c'est d'abord le plaisir incroyable d'être nommée.
A la cérémonie, on est assez calme en attendant, on entend les nominations avec sportivité, mais quand son nom "sort du chapeau", c'est une poussée d'adrénaline incroyable, un mélange de panique de devoir adresser quelques mots en direct et de joie incommensurable d'être distinguée par ses Pairs.
Moi, superstitieusement, j'ai choisi de rêvasser à un texte de remerciements éventuels. Et j'improvisais sur le tas. Et pour les deux premiers, j'ai pêché par un excès d'enthousiasme plus ou moins bien géré et par une trop grande précipitation à citer tous ceux qui m'ont permis d'être là.
Cette année, j'ai astucieusement contourné le problème: mon discours était préparé… pour "si je ne l'avais pas". J'étais assez traqueuse (il n'y a qu'à voir danser mon papier dans mes mains!), mais aucune panique: que du bonheur.
Chez moi, je vois dorénavant les trois Molières réunis. C'est très joli.

Vous avez également des expériences cinématographiques telles que « Pourquoi pas » de C. Serreau et « Demi-sœur » de Josiane Balasko. Entre cinéma et théâtre, votre cœur penche plutôt de quel côté ?

C.M: J'ai aussi eu la chance de tourner avec Aki Käurismaki, avec Gérard Mordillat, Albert Dupontel, Edouard Baer et Lorraine Lévy, pour ne citer que les derniers.
C'est toujours une énorme surprise. Et toujours un stress différent de la scène.
Pour "Pourquoi Pas!", mon premier film, Coline Serreau, qui vient du théâtre, nous avait fait répéter avant le tournage, ce qui  rendait très naturel et facile le tournage proprement dit. Mais c'est la seule.
Au cinéma, même si on en a parlé plus ou moins longtemps avec le réalisateur, on travaille son personnage seul. On imagine secrètement son "intérieur". On tourne, on découvre son mari ou sa patronne, ses enfants ou son voisin, et puis "pfuitt", c'est en boîte, on n'en reparle plus.
Quand on "réussit" son personnage, le plaisir est fulgurant et immédiat. Je crois néanmoins que ma nature correspond plus au partage de longue durée avec des partenaires qui besognent comme moi.
Et puis au fond, pourquoi choisir: c'est tellement extraordinaire de décrocher son téléphone, et hop! la vie va changer: on va vivre quelqu'un d'autre!


Quels conseils donneriez-vous aux membres de Casting.fr qui souhaiteraient faire carrière comme vous, du théâtre mais aussi du cinéma ?

C.M: Ne faites pas de "plan de carrière". Soyez honnêtes avec vos choix de rôles, si vous avez la chance qu'on vous en propose. Si ça tarde, tentez d'écrire. Mais si vous avez la foi en votre vocation, il y aura toujours des Daniel Benoin (premier rôle au sortir du Conservatoire!), des Josée Dayan (c'est elle qui m'a offert pratiquement mon premier tournage et avec qui je vais tourner la semaine prochaine!!!) et des Coline Serreau qui donneront leur chance aux "frais émoulus du collège", comme le dit Molière dans le "Malade Imaginaire"… Ce qui suppose donc d'apprendre. Et on n'apprend nulle part mieux que dans des cours.

Et à tous ceux qui m'ont lue, je dis un grand "M....". Et ne répondez rien!!!!