Vanessa Guide : "Marguerite" et l'expérience inoubliable du tournage de Délocalisée en Inde

Vanessa Guide : "Marguerite" et l'expérience inoubliable du tournage de Délocalisée en Inde
L’actrice revient sur la préparation de son personnage, une femme timide et effacée qui, au fil du film, prend confiance en elle. Elle évoque aussi les défis de travailler dans une culture cinématographique différente, et raconte comment un casting inattendu l’a propulsée directement dans le rôle.
Vous pouvez nous présenter votre personnage, Marguerite ?
VG : Alors, Marguerite est un personnage pour lequel j’ai beaucoup d’affection, car elle porte le prénom de ma grand-mère, qui n’est plus là aujourd’hui, mais qui a eu une importance très grande dans ma vie et dans la femme que je suis devenue. C’était une femme extrêmement forte, battante, qui m’a beaucoup soutenue. Je pense à elle tous les jours, même sur le tournage. Elle m’a donné beaucoup de force. Ce personnage de Marguerite, j’ai vraiment aimé sa trajectoire. C’est une femme qui, au début, paraît un peu effacée : elle subit les choses, n’ose pas s’affirmer, notamment au travail. Même dans son couple, elle suit son compagnon sans trop se poser de questions. Et au fur et à mesure du film, notamment grâce à ce voyage presque initiatique, elle va s’émanciper, prendre confiance en elle, s’affirmer et devenir une toute autre personne.
Pour construire ce personnage, avez-vous apporté un peu de votre personnalité ?
VG : Oui, je peux avoir un côté très timide, parfois introverti, ce qui fait toujours sourire, parce qu’on imagine souvent qu’un comédien est hyper à l’aise dans toutes les situations. Et moi, quand je ne connais pas les gens, je peux être très vite intimidée, ne pas oser prendre ma place. Je suis souvent dans le jugement de ce que je raconte, le jugement de moi-même, pas des autres. Et voilà, je me suis un peu servie de cette timidité que je peux avoir pour la Marguerite du début du film. Ensuite, je pensais surtout à ce qu’elle était en train de traverser en tant que femme dans ce film, tout ce qu’elle avait vécu. Cela m’a aidée à la rendre plus affirmée, parfois même énervée, triste ou affectée. Je pensais toujours à la situation dans laquelle elle se trouvait. On apporte toujours un peu de soi, qu’on le veuille ou non. On arrive avec notre enveloppe corporelle, notre manière de parler, notre vécu, et même si le rôle est loin de nous, je crois qu’on apporte toujours un petit peu de soi dans un personnage.
Vous jouez un rôle principal dans ce film. Y a-t-il une différence dans la préparation ou la construction de ce rôle par rapport aux autres rôles que vous avez eus auparavant ?
VG : Quand on interprète un rôle principal par rapport à un rôle secondaire, je dirais qu’il y a peut-être plus de travail en amont, parce qu’il y a plus de scènes à jouer, donc plus de texte. J’ai eu la chance de jouer des rôles assez challenging qui nécessitaient beaucoup de préparation en amont. Par exemple, dans Comme des garçons, je me suis entraînée à jouer au foot pendant six mois parce que je ne connaissais pas ce sport, je n’avais jamais touché un ballon de ma vie. Ou dans Go into Brazil, où je devais parler portugais, une langue que je ne maîtrisais pas, donc j’ai dû l’apprendre. Dans un film en mandarin, j’ai dû apprendre toutes mes répliques en mandarin, alors que je ne parle pas un mot de mandarin. Et j’aime bien ça. J’aime bien l’idée de me dédier à un rôle avant même que le tournage commence. Je réfléchis au personnage, au rôle, à la manière dont je vais me préparer en amont. Mais cette fois-ci, j’ai enchaîné deux tournages, donc je n’ai pas eu énormément de temps pour me préparer, ni même de rencontre avec Redouane avant. Je me souviens que dès mon arrivée en Inde, j’avais très envie qu’on crée un lien avec Redouane et qu’on répète ensemble ce que j’avais travaillé de mon côté. Mais c’est toujours mieux si on a la possibilité de rencontrer son partenaire de jeu un peu avant.
Est-ce que vous pouvez nous raconter une anecdote marquante de votre expérience pendant le tournage, par exemple, le partage avec des comédiens d’une autre culture ?
VG : Oui, c’était assez fascinant. En Inde, pour eux, le cinéma est extrêmement important. C’est la première industrie cinématographique mondiale, le Bollywood. Nous, on n’en consomme pas vraiment, mais je crois qu’économiquement, Bollywood dépasse même les blockbusters américains. C’est vraiment très important dans leur culture, le cinéma. Du coup, on se retrouvait face à des figurants, à des rôles secondaires, mais des gens extrêmement professionnels, généreux, à l’écoute, très dynamiques. Je me souviens particulièrement d’une scène que nous avons tournée dans un cinéma où l’on devait jouer au milieu des Indiens, face à un film Bollywood. On a joué une scène telle qu’on ne pouvait pas imaginer que cela se passe réellement comme ça, mais c’est le cas dans le cinéma là-bas : il y a ce qui se passe à l’écran et ce qui se passe dans la salle. C’est un autre spectacle, les gens vivent les émotions à puissance dix. En France, nous sommes là, tranquilles, devant nos films, on applaudit à la fin, mais c’est assez rare. Eux, ils vivent vraiment le film. C’est un moment de communion incroyable à observer. Je me souviens avoir été assez spectatrice et ça m’a aidée pour la scène, car je me suis dit : « Waouh, c’est vraiment comme ça qu’on vit le cinéma ici. » C’était fabuleux de voir les gens se lever et danser quand il y avait des scènes de danse à l’écran, ou pleurer quand c’était des scènes tristes. Ils vivent vraiment la séance à fond et c’était enthousiasmant à vivre à travers cette scène dans le film, mais j’ai eu l’impression de l’avoir vécu en vrai.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience lors du casting pour ce film ? Comment cela s’est-il déroulé ?
VG : Ça a été assez amusant, car cela s’est déroulé de manière assez rare. Ça ne se passe quasiment jamais comme ça. Je suis allée passer le casting pour rencontrer Ali et la directrice de casting. Je passe trois scènes. Il me dit : « Ce sera plutôt une lecture», mais bon, j’avais quand même appris les scènes. On travaille donc sur les trois séquences que j’avais préparées pour le rôle de Marguerite. Ce sont des scènes un peu intenses, il fallait à la fois montrer ce côté très introverti et timide au début, puis une scène où elle explose à la fin. Il y avait beaucoup de choses intéressantes à jouer. À la fin de cette séance de travail, qui pour moi était un casting, Ali me dit : « C’est bon. » Je me suis dit : C’est bon, il est content, il a ce qu’il faut, il me rappellera. Et là, il me dit : « Si tu veux partir avec nous, c’est bon, le rôle est à toi. » J’ai répondu : Pardon, là, maintenant, tout de suite, c’est sûr, c’est acté ? Ça n’arrive jamais, normalement, ils prennent le temps de réfléchir, de se consulter, d’envoyer les vidéos aux autres, et là, non, j’ai eu la réponse immédiatement. C’était trop génial de ne pas avoir à attendre, d’avoir la réponse instantanément.